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en plein travail et pouvaient encore nous donner quelques belles émotions d’art. Les autres appartiennent à une époque entièrement révolue. Quant aux artistes vivants, ils ne semblent pas avoir été touchés par la grâce des temps nouveaux. Ils continuent vaillamment, — car il faut pour cela une certaine vaillance, — à faire de la peinture, mais c’est la peinture d’avant la catastrophe et d’avant la gloire. Ni leur faire, ni leur inspiration n’ont changé. Par où l’on voit qu’il n’y a pas un rapport étroit, ni surtout immédiat, entre les secousses les plus formidables du continent et le sismographe subtil où s’enregistrent les moindres frémissements de l’âme. Il est plus facile à un souverain mégalomane de mettre le feu à la planète que d’introduire un ton nouveau ou une ligne imprévue dans la peinture de son temps.

Pourtant, à défaut d’une technique, il y a un « genre » qui devrait être galvanisé et renouvelé par la guerre : c’est la peinture militaire. Elle le fut, dès le lendemain de la guerre de 1870, par Alphonse de Neuville. Beaucoup se souviennent encore de l’impression profonde que firent, dans les premiers Salons qui suivirent l’Année Terrible, dès 1872 et 1873, l’apparition de ces lignards ou de ces mobiles, si différents des imperturbables héros de David : ces êtres souffrants, saignants, boueux, affamés, piétinant dans la neige, les décombres, dans les bois dénudés par l’hiver, sous les fumées déchirées par le vent, disputant pied à pied à l’envahisseur le