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uni et fondu ce qui semblait prêt à se dissoudre. Bien plus, elle a révélé, chez certaines races, des rancunes et des convoitises qu’on disait disparues depuis des siècles et, chez d’autres, des sources d’héroïsme et de foi qu’on s’imaginait taries, déterminé ainsi une régression vers les âges de barbarie, et avancé de plusieurs siècles le sentiment de la fraternité ; ramené les esprits les plus raffinés et les plus spéculatifs sur les conditions primordiales de l’existence et élevé les esprits les plus vulgaires à des entités et des abstractions qu’ils n’avaient jamais envisagées. Bref, elle a ébranlé notre vieux monde comme nulle autre guerre ne l’avait fait, ni en étendue ni en profondeur : elle n’a rien changé au Salon de peinture.

Celui qui vient de s’ouvrir, paisiblement, à la date accoutumée, est le même qu’avant la guerre. La seule différence est qu’au lieu de se faire au Grand Palais, il se fait au Petit, qui, jusqu’ici, était plutôt réservé aux Rétrospectives. Aussi a-t-il pris lui-même les allures d’une Rétrospective. On y voit des œuvres de Puvis de Chavannes, de Carrière, de Rodin, de Carolus-Duran, d’Harpignies, d’Edgar Degas. Ce sont des ancêtres. Les derniers, il est vrai, ne sont morts que depuis peu, mais leur vertu était depuis longtemps épuisée. Il faut remonter à quinze ans en arrière pour se rappeler d’eux quelque œuvre digne de leur nom.

Seuls, parmi les artistes récemment disparus, Rodin et Saint-Marceaux ont été surpris par la mort