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tant : « Notre Père qui êtes aux cieux… », il n’y a pas plus d’ironie dans la pensée que dans la forme. Quand les Lustige Blaetter dressent le lumineux fantôme d’Andréas Hofer parmi les neiges des Alpes, au-dessus d’un chasseur tyrolien et dit : « Confiez-lui votre Tyrol bien-aimé… », l’ironie n’est ni dans la forme, ni dans la pensée. Si M. Forain dessine une paysanne qui guide la charrue, tandis que sa petite gamine tire le cheval en avant et appelle cela : l’Autre Tranchée, où est l’ironie ? Si le Life fait défiler devant le général Joffre les ombres de tous les grands capitaines français qui l’acclament, et si le Punch montre la déesse de la guerre veillant sur le tombeau de lord Roberts, avec ces mots : « Celui-là fut le guerrier heureux. Il fut ce que tout homme sous les armes doit désirer être… » où est, je ne dis pas seulement l’ironie, mais même l’humour ? Dans toutes ces images, qui ont pourtant paru dans des feuilles caricaturales, la pensée est admirative ou douloureuse, la forme est réaliste ou académique. C’est la forme habituelle aux peintres de genre ou de scènes « vécues ». La seule différence, — ce qui distingue nettement l’œuvre du caricaturiste de l’autre, — c’est qu’au lieu de chercher simplement à faire « voir », il vise à faire « penser ».

Voilà pourquoi, en dernière analyse, les mythes les plus anciens, les légendes les moins scientifiques, ont subitement réapparu dans ces petits miroirs de la mentalité contemporaine. C’est, là, un