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géantes, crapauds, — ce sont vraisemblablement les Neutres, — embarrassent la route : le chevalier chemine toujours du même pas, sans voir, sans entendre ce vain bruit de quolibets, et son cheval placide ne sent même pas les facéties d’un singe coiffé du képi français, une sorte de Bandar-Log qui gambade et lui tire la queue. À l’arrière-plan, la forêt et la montagne mystérieuses se sont abaissées, et l’on voit, dans la lumière, un ange déployant des inscriptions sacrées. « Bismarck, 1815-1915. Nous craignons Dieu et nul autre. » La España, de Madrid, a fait une adaptation semblable, mais sans modifier, autant, l’idée primitive de Dürer. Chez elle, c’est le Kaiser qui est entré dans l’armure du chevalier et, à travers la forêt, on voit brûler la cathédrale de Reims. Ainsi, pour donner une image saisissante de l’Allemagne contemporaine, il a fallu adapter un dessin vieux de quatre cents ans.

Toutefois, il y a là un signe que la caricature élargit ses moyens d’expression. Ce recours à des formes nobles et à de graves symboles doit retenir notre attention. Certes, l’évolution symboliste de la caricature est un phénomène bien antérieur à la guerre. Elle était nettement perceptible, déjà, chez les maîtres, il y a une vingtaine d’années. Mais la guerre l’a précipitée peut-être et, en tout cas, l’a fait mieux voir. Ce qu’on appelait autrefois, et ce qu’on appelle encore, par habitude et faute d’un mot plus précis, une « caricature », dans l’ima-