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soldats anglais en Angleterre ». Pour lui, la barbarie est de l’autre côté de la Manche.

En regard de toutes les hypocrisies et de toutes les lâchetés qu’il attribue à ses adversaires, l’imagier teuton dresse la figure idéale de l’Allemagne : une Allemagne unie, forte, disciplinée, mais pacifique, uniquement appliquée à se défendre, un roc compact et formidable que tous les flots du monde, déchaînés, viennent battre, sans l’entamer. L’écume de ces flots prend vaguement, sous la lune, une ressemblance avec des formes fantastiques de John Bull, de Marianne et d’un moujik. Le bloc, lui, ressemble à la Tour de Bismarck, blasonnée aux armes des villes de l’Empire. « Il nous a construit une forte demeure, un asile sûr en Dieu, contre toutes les tempêtes ». Ainsi, l’idée du peuple allemand, réduit par la conjuration de ses ennemis à défendre sa propre existence, est sensible dans beaucoup de ces images : l’idée de ce même peuple entreprenant la conquête du globe ne l’est nulle part.

Est-ce pour les Neutres que l’humoriste allemand donne cette note extraordinaire ? Est-ce pour la masse de son peuple ? Est-ce, là, un sentiment tout personnel ? En tout cas, dans ces myriades d’images destinées au grand public, rien n’a passé des idées de Bernhardi et de Treitschke sur les beautés de la guerre de conquête, ou sur la légitimité de la terreur. Elles procèdent toutes de ce postulat que l’Allemagne ne fait que se défendre contre une coalition formidable d’envieux voisins. Que ce soit