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nouillés auprès d’un ennemi tombé et le font boire dans leur quart. Les Bons Samaritains, dit Raemaekers. Ailleurs, c’est un soldat allemand, qui a quitté ses camarades en marche pour regarder mourir un jeune Écossais, un enfant, étendu sur la route. Il s’est agenouillé, lui a pris la main, assiste à cette agonie d’un air sombre, et, tandis qu’il le regarde, voici l’enfant qui parle dans le délire, les yeux hagards. « C’est toi, maman ? » murmure-t-il, trompé par cette étreinte, l’esprit déjà bien loin, au moment de s’en aller plus loin encore…

Ainsi, pour Raemaekers, la guerre est le plus terrible des maux. Il la flétrit, en elle-même. Il a déclaré « la guerre à la guerre » selon la formule chère à Mme de Suttner. Nous ne savons trop quelle fortune aura, auprès des peuples d’Europe, désormais, la théorie de Joseph de Maistre sur la « divinité de la guerre » et ses bienfaits. Il est possible qu’on la soutienne. Mais il ne faudra pas faire appel à Raemaekers pour l’illustrer. Ses pages navrantes sur les Mères, les Veuves, Où gisent nos pères ? Les Fils barbelés, la lettre du soldat allemand dans la tranchée, les petites victimes de la Lusitania, sont l’envers de cette tapisserie magnifique que les Gros, les Gérard, les Vernet et les van der Meulen tissaient dans leurs Galeries des Batailles. Elles montrent ce que la guerre traîne avec elle, après elle, presque fatalement, réserve faite des cruautés propres à celle-ci. Des femmes à genoux, dans leurs longs voiles de deuil, à l’église,