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Hérode, en se bouchant les oreilles[1]. Les cassolettes de ses thuriféraires ont beau l’envelopper des vapeurs opiacées du sophisme : les cris d’enfants le dégrisent et les théories de Bernhardi, sur l’humanité de la guerre inhumaine, sont impuissantes à dissiper son cauchemar…

Le Bernhardi, lui, est radieux. Il n’a pas compris la leçon des choses. À la Mort, vieille coquette, chaussée d’escarpins, coiffée de roses, et qui manie l’éventail, il offre un bouquet composé de crânes et de mains squelettiques. « Vous n’en espériez pas tant, n’est-ce pas ? » dit-il en saluant avec la grâce d’un pachyderme. Raemaekers a résumé en lui tous les caractères du « Boche » moderne. La tête rasée à la manière « hygiénique », le cou en bourrelet, le rire gras, le ventre sanglé et triomphant, il tient son casque par la pointe, selon le geste habituel du vieux Guillaume Ier aux bals de la Cour. La vieille coquette lui paraît encore digne de ses hommages. Mais le Maître, plus sensible, sinon moins coupable, s’épouvante déjà et s’excuse. Il n’a pas voulu cette guerre, il le jure. Il fuit l’apparition du Christ lumineux, et, courbé, hagard, il balbutie : « Nous ne sommes pas… ne sommes pas… des barbares ». Il s’éveille, le matin, encore hésitant devant le réel ; et tandis qu’un laquais, en grande tenue, lui apporte son déjeuner, il murmure : « Je rêvais si délicieusement que tout cela n’était pas arrivé ! »

  1. Dans le texte hollandais, les deux mots sonnent à peu près de même.