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ils se moquaient de lui. Un soldat à lunettes et à longs cheveux, qui, hier encore, devait professer, dans quelque Université, que Jesus (Ger-us) veut dire « germain » en latin, le coiffe d’un casque à pointe et cherche à éteindre, ainsi, un peu de l’auréole divine. Un Turc, à face parcheminée de vieux croupier, gambade devant lui en faisant le salut militaire et lui offre un sabre. L’Autrichien s’esclaffe à cette bonne plaisanterie. Et un quatrième ligote le Sauveur avec un ceinturon où brillent les mots qui sont le suprême blasphème de cet Empereur : Gott mit uns.

Le châtiment ne se fera pas attendre. Châtiment au dehors de lui, châtiment en lui-même. Trop de voix du ciel et de la terre s’élèvent pour l’accuser. « Voilà le profanateur ! » disent les statues de sainte Clotilde et d’un saint moine, devant la cathédrale incendiée. Et l’Allemand, ainsi interpellé, tombe à genoux, épouvanté que les pierres parlent. « C’est une guerre de conquête ! Me voici, je ne puis faire autrement ! » s’écrie Liebknecht, suivant l’exemple de Luther, en se présentant devant le Kaiser cuirassé, casqué, pensif, — et ce mot retentit comme un premier glas de la conscience individuelle. D’autres cris l’environnent, des cris frêles, des voix d’enfants innombrables noyés par ses sous-marins : les faces enfantines paraissent encore au-dessus du flot qui monte, les yeux révulsés dans les orbites, et les voix des Innocents affolent Hérode. « Ils crient : maman, mais j’entends toujours : meurtrier », dit