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lui imprime le sceau de sa puissance, le sceau de sa déification, c’est-à-dire la Beauté. Mais nous n’osions y tendre de nos mains[1]… » Ainsi gémissait, il y a une quinzaine d’années, un critique allemand, s’exprimant en français, — ou à peu près, — dans une des revues d’art les plus répandues outre-Rhin.

Ce gémissement révèle une blessure assez peu connue de la vanité allemande. Nous savions bien qu’il n’y avait plus d’art très original au pays des Holbein et des Dürer, — exception toujours faite pour la musique, — mais nous n’imaginions pas qu’on dût en souffrir à ce point. D’ailleurs, au moment où ces lignes paraissaient, on pouvait voir à l’œuvre, ensemble, Lenbach, Uhde, Hans Thoma, Liebermann, Menzel et quelques autres, dont les portraits ou les scènes modernistes de l’Évangile, ou les tentatives impressionnistes ou les anecdotes sur la vie du grand Frédéric n’étaient pas si méprisables. Mais la jeunesse les méprisait. C’était un art européen, dérivé des Hollandais, des Flamands et des Français. « Vous êtes couverts des signes du passé, leur disait Nietzsche, et ces signes, vous les avez peinturlurés de nouveaux signes…, le visage et les membres barbouillés de cinquante taches…, ô gens du présent ! Qui est-ce qui pourrait encore vous reconnaître ? Sût-on sonder les

  1. . Georg Fuchs. Le Vestibule de la Maison de Puissance et de Beauté. Deutsche Kunst und Dekoration, Darmstadt, 1902.