CHAPITRE II
EN ALLEMAGNE
L’Allemagne, en 1914-1916, a-t-elle été en guerre
avec la France ? Un archéologue, qui n’aurait pour
se guider, dans quelques milliers d’années, que les
caricatures allemandes, — comme il arrive aujourd’hui
qu’on ne possède, sur un événement de l’ancienne
Égypte, qu’une suite de dessins sur un
papyrus, — pourrait se poser la question. Non que
les feuilles satiriques d’outre-Rhin se soient désintéressées
de la guerre. Tous les crayons ont été
mobilisés sur-le-champ, toutes les plumes et tous
les pinceaux, des Lustige Blaetter et du Kladderadatsch
de Berlin à la Jugend et au Simplicissimus
de Munich. Pareillement, la Muskete et le Kikeriki
de Vienne et d’autres moins célèbres, comme la
Ulk de Berlin et le Wahre Jacob de Stuttgart et
même le Brummer, ont donné. Tout ce qu’on peut
inventer de drôle, sur les bords de la Sprée, a été
réquisitionné par l’autorité supérieure, et, aussi, ce
qu’on peut imaginer de tragique pour épouvanter
l’ennemi : les fantômes au gantelet de fer, un
peu démodés depuis les Burgraves, les diables