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ce qu’il considérait comme un acte d’ingratitude et d’imprudence. Alors, dans le Punch du 29 mars 1890, on vit ceci : un marin de haute stature, triste, vieux, mais vigoureux encore, descend, lentement, l’échelle d’un navire de haut bord, la main gauche tâtant encore la paroi du vaisseau qu’il a longtemps guidé, et ce marin a les traits de Bismarck. Penché au haut du bastingage, un jeune souverain le regarde partir. L’impression produite fut immense. Le Punch s’en est souvenu et, dans un de ses récents numéros, il a figuré le même navire et, sur le même bastingage, le même souverain, couronne en tête, mais combien vieilli, lui aussi, et les yeux agrandis par la terreur. Que voit-il donc ? Près de l’échelle que descendait Bismarck il y a vingt-cinq ans, un canot vient d’accoster, une ombre épaisse et lourde en est sortie et a gravi lentement les premières marches, et ce fantôme, qui a une casquette et de grosses bottes, ressemble étrangement au vieux pilote autrefois congédié, dans la présomptueuse insolence des jours de la jeunesse, et il murmure : « Cela m’étonnerait, s’il me chassait maintenant !… »

Les ombres des morts reviennent parfois dans les caricatures, pour raisonner sur ce que font, après eux, les vivants. Que diraient-ils s’ils voyaient ce que nous voyons ? s’ils savaient où conduisait la route qu’ils ont faite avec nous ? Lequel d’entre eux serait sans surprise ? Lequel, sans reproche ? La Westminster Gazette a évoqué les ombres de lord Salisbury et de Gladstone, ces deux adversaires