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la satire, chez nous, a respecté infiniment plus qu’elle n’a fait nos propres hommes d’État, — et depuis quelque temps, le Kronprinz, les figures d’outre-Rhin nous étaient totalement inconnues. Ce fut une révélation que celles de M. de Bethmann-Hollweg, de Bernhardi, de von der Goltz, de Tirpitz, de M. Helfferich, du comte Zeppelin, d’Hindenburg, de von Kluck. Ainsi, les actes, — des actes formidables, — précédèrent les visages, et l’Histoire universelle fut faite par des gens dont nous ignorions l’histoire individuelle, les antécédents, les mœurs, les ridicules, les manies ; — bref, tout ce qui peut prêter à l’ironie et à la caricature. « On entendait le pas du cheval, mais sans voir le cavalier. » Dans ces conjonctures, l’ironie ne sait trop où se prendre. Il n’est pas nécessaire de connaître un homme pour lui tirer dessus, mais c’est indispensable pour le caricaturer, pour montrer ses défauts ou seulement ses caractéristiques. De là, sans doute, le peu de satires mémorables que la guerre inspira, chez nous, contre l’Ennemi.

Une autre raison, tout à l’honneur de nos humoristes, est que beaucoup d’entre eux étaient aux armées. La plupart des journaux satiriques ont dû cesser brusquement leur publication. Le Français, dont c’est le métier d’être spirituel, devint subitement grave et résolu. Les « mots », s’il en fit, furent entendus seulement de quelques camarades, bons juges de leur à-propos héroïque, et plus d’un les signa de son sang. Lorsque, la guerre se prolon-