phique à déchiffrer pour nous et cependant très clair pour le premier gamin qui passe dans le Strand ou Broadway.
Il y a donc conformité entre la caricature d’un homme ou d’une chose et l’idée que la foule se fait de cet homme ou de cette chose, du moins lorsque cette caricature circule, se répète, entre dans les habitudes et les moyens d’expression du public. Lorsqu’il s’agit d’un simple accessoire signalétique, cela n’a pas grande importance ; mais s’il s’agit d’un trait moral ou physiologique, ce peut être fort révélateur. Du temps de Gillray, c’est-à-dire sous la Révolution et l’Empire, la silhouette d’un homme maigre, efflanqué, mal rasé, sordidement vêtu de loques, dévorant des grenouilles ou jetant sur un roastbeef anglais des regards d’envie, désignait, sans plus de gloses, un Français. Cela ne prouve pas que les Français, à cette époque, fussent hâves et mourants de faim ; mais cela prouve que les Anglais les croyaient tels.
Il en va tout autrement d’un livre, un discours, même un article de journal qui est un développement d’idées et peut ainsi exprimer une thèse tout individuelle, propre à l’auteur, quitte à la développer, à la commenter et à la défendre, si elle ne répond pas, tout de suite, au sentiment moyen du lecteur. La caricature y répond, de toute nécessité. S’en servant en dehors et en dépit de l’assentiment du public, le dessinateur ferait comme un écrivain qui emploierait de nouveaux