époque, le même prophète dessinait une double image de Guillaume II. Dans l’une, le Kaiser, debout devant sa fenêtre, montre au public tout le haut de son personnage, casqué, cuirassé, la main sur son sabre, en empereur de la guerre ; mais le reste de son accoutrement dément cet appareil belliqueux : c’est une robe de chambre, des pantoufles, les attributs du commerce et des arts libéraux. Dans l’autre, c’est le buste d’un négociant ou d’un artiste qu’on aperçoit par la fenêtre ; seulement, le reste du personnage dément ce décor pacifique : les hautes bottes, le sabre, les engins de la guerre sont là pour avertir celui qui pénètre dans l’intimité, regarde et réfléchit. Et l’on se demandait : « Lequel est le vrai ? » Tandis que Jules Simon, revenant de Berlin, répondait sans hésiter : « C’est le pacifiste ! » et que Déroulède affirmait : « C’est le guerrier ! » Caran d’Ache laissait ouverte la porte du formidable inconnu.
Cet exemple du plus gai de nos caricaturistes modernes n’est pas unique. Elles fourniraient des volumes, les légendes profondes, suggestives, amères même, de Gavarni, de Daumier et de M. Forain. « Si « humour » voulait dire seulement « rire », écrivait Thackeray, qui fut, lui aussi, un caricaturiste à ses heures, vous ne prendriez guère plus d’intérêt à l’histoire des écrivains humoristes qu’à la vie du pauvre Arlequin, qui partage avec eux la faculté de faire rire. Si la vie et l’histoire de ces hommes éveillent en vous une curiosité mêlée de sympathie,