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du moins ceux dont l’humour vise au plaisant et demande, pour être goûté, l’esprit paisible et détaché des dilettantes. Ils ne feraient pas leurs frais.

Mais la caricature, — on a essayé de le montrer il y a longtemps[1], — n’est pas nécessairement ni essentiellement l’art du rire. C’est seulement une de ses fonctions que de faire rire, — et ce n’est pas la plus haute. Les pages immortelles de la Danse des Morts d’Holbein, des Horreurs de la Guerre de Callot, des Scènes de l’Invasion de Goya, les plus belles pages d’Hogarth, de Gillray, de Rowlandson, de Daumier, de Gavarni, de Grandville, de John Leech, et plus près de nous de M. Forain, de M. Willette, de M. Steinlen, de M. Grandjouan, n’ont jamais fait rire personne : elles ont fait penser. Plus d’une fois, elles auraient pu faire prévoir. «Tiens, tu m’fais mal avec tes ennemis les Anglais !… » disait, — il y a quelque vingt ans, — un terrassier de M. Forain, en montrant un obus que son camarade venait de déterrer dans un terrain vague, près de Paris. « Il est peut-être anglais, celui-là !… » et il n’était guère possible de résumer, avec plus de bon sens, la conduite à tenir dans les conseils de l’Europe. « Tiens ! la bière, aussi, est allemande ! » s’écriait un reporter de Caran d’Ache, admis à la table de l’État-major turc, pendant la première guerre gréco-turque, en considérant l’étrange allure des officiers du calife. Et vers la même

  1. Cf. le Miroir de la Vie, lre série, 1902.