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de terreur inauguré par les reîtres. Mais un édifice où nul ne demeure, — que Dieu, — qui n’apporte à personne aucun confort, aucune protection matérielle, aucune richesse, dont la présence n’ajoute pas une minute de plus à la lutte, dont la disparition ne lui en ôte pas une, — bien plus, un édifice qui ne sert pas un pays plus qu’un autre, qui remplit un même office de beauté pour tous les peuples de race blanche, qui rappelle les fastes d’une religion commune à tous les peuples issus de la civilisation chrétienne : le viser comme une forteresse, l’incendier comme un dépôt de pétrole, envoyer des obus contre ses roses, décapiter ses anges, s’escrimer contre son idéal, chercher à faire peur à Dieu ! — quel rêve, et combien d’années faudra-t-il à l’homo sapiens pour réparer une telle régression !

Tous les pays se sont sentis lésés. L’Allemagne, elle-même, l’aurait compris, si elle était encore capable d’un sentiment désintéressé. « Une chose de beauté » n’est pas seulement « une joie pour toujours », comme l’a dit le poète anglais, mais pour tous. Le pays où elle est née ne la possède pas plus que les autres. Il en est le détenteur, il n’en est pas le propriétaire, au sens du jus abutendi. Cela est si vrai que, lorsqu’il est question, dans une ville quelconque, non pas même de détruire, mais seulement de « restaurer » un de ces chefs-d’œuvre, le monde entier s’émeut. De toutes parts, des protestations éclatent, et elles sont écoutées. Les municipalités sentent bien, et, à leur défaut, l’État, qu’il y a, là,