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rainure de l’arbrier. Son arme est moins savante : c’est une arbalète simple, munie de son étrier ; on voit pendre à sa ceinture le pied-de-biche qui a servi à la tendre. En avant, à l’abri d’un immense pavois, tenu debout par un camarade, l’autre arbalétrier, tenant son arme toute garnie, s’avance sur la pointe du pied comme pour faire une farce : il va viser. Tous ces gestes de métier sont d’une propriété qui témoigne de leur justesse, et je doute que, dans toute la galerie des Batailles, à Versailles, il y ait un seul tableau nous donnant sur la manière de charger et de décharger une arme, des renseignements aussi précis et aussi complets.

Là, au contraire, où manque le « geste de métier », aucune attitude n’est plus significative. C’est ce qui arrive dans l’admirable tapisserie Marie dans le Temple, où vous lisez ces vers tissés entre le héron, le gerfaut, les licornes et l’hermine :

Marie vierge chaste de mer estoille,
Porte du ciel, comme soleil eslue,
Puis de vive eaue, ainsy que lune belle,
Tour de David, lis de noble value,
Cité de Dieu, clair miroir non pollue,
Cèdre exalté, distillante fontaine
En ung jardin fermée, est résolue
De besongnier, et si de grâce pleine.

Une seule figure, ici, fait un geste de métier : c’est la Vierge elle-même, et c’est le geste du tapissier. Assise devant une chaîne de basse lisse, sa main gauche va passer la laine entre les fils, et sa