Page:L'Affaire des avions renifleurs - Le texte intégral du rapport.djvu/3

Cette page n’a pas encore été corrigée

Les moyens humains

L’équipe technique de Fisalma comprenait, outre le Comte de Villegas lui-même, son fils Tanguy, simple aide opérateur, M. Philippe Halleux, pilote en meme temps qu’homme de confiance de M. de villegas, et M. Aldo Bonassoli de nationalité italienne, qui travaillait depuis plus de quinze ans auprès de M. Villegas. Présenté par celui-ci comme un exécutant, son « mécanicien de génie », il apparut très vite comme le véritable maître d’œuvre des procédés Delta et Oméga : seul capable de monter les appareils, de les régler, de les faire fonctionner, de les réparer et, au laboratoire de Bruxelles, de les améliorer sans cesse. Un peu plus tard, il s’y adjoignit un autre pilote (belge), et un mécanicien, M. M... de nationalité française. Enfin, la fille de M. Villegas était le plus souvent présente lors des campagnes de prospection.

Les conditions dans lesquelles s’était déroulée la campagne de la Mer d’Iroise incitèrent le groupe Elf-Aquitaine à détacher à titre permanent l’un de ses géologues pour préparer, suivre les missions, aider surtout les inventeurs à interpréter les résultats obtenus. M. M... géologue confirmé, qui représentait le Groupe en Suisse (il est lui-meme de nationalité suisse), fut affecté, à cette tâche (6) en octobre 1976. Un deuxième géologue, M. M..., vint le rejoindre en juin 1977, non sans provoquer chez M. de Villegas un vif mécontentement.

A partir de novembre 1976, un dossier technique détaillé put donc être établi à l’issue de chaque campagne, et un rapport de synthèse, régulièrement dressé.

Enfin, le responsable des problèmes de sécurité au sein du groupe, M. ... avait été chargé personnellement, dés les premiers essais de mai 1976, tout à la fois de la préparation logistique des campagnes (réservation d’hôtels, location des véhicules, etc.), de la protection du secret et de la sécurité des personnes. Par la force des choses, et vu le caractère de MM. de Villegas et Bonassoli, son rôle s’élargit souvent sur le plan des rapports humains entre les deux parties intéressées.

Afin de donner une base administrative et financière à l’opération, tout en maintenant le secret nécessaire, le groupe Elf-Aquitaine, eut recours à l’une de ses filiales suisses, la société UNINDUS, qui était tombée en sommeil. A compter du 1er octobre 1976, le Bureau de Paris — bientôt transformé en Etablissement de plein exercice — put fonctionner dans ses propres locaux, avenue Franklin-Roosevelt. Doté d’un directeur en la personne de M. M... et d’une secrétaire à mi-temps, UNINDUS prit en charge, pour le compte d’Elf-Aquitaine, toutes les dépenses qui lui incombaient en vertu de l’accord de mai 1976. Seuls les frais de location de l’avion furent supportés par l’ERAP.

Les moyens matériels et techniques

Pour les missions de l’année 1976, un avion DC-3 — celui-là même qui avait servi aux premiers essais - fut loué au mois par l’ERAP à une Compagnie privée dê Toulouse, UNI-AIR, et aménagé selon les besoins des inventeurs. Les pilotes de la compagnie convoyaient l’appareil entre la France et Bruxelles, mais lors des missions Delta, les pilotes belges de Fisalma étaient seuls aux commandes.

Au début de l’année 1977, fut utilisé exclusivement un Fokker-27, appartenant à la Compagnie Européenne de Recherches (C.E.R.), que M. de Villegas avait fondée à Bruxelles pour l’occasion.

Ainsi l’équipe Fisalma, pilotes et techciens et bientôt les géologues de l’ERAP pouvaient décoller de Bxuxelles pour chaque nouvelle mission, emportant les équipements Delta et Oméga. Le dédouanement se faisait habituellement à l’aéroport de Beauvais.

Les nouveaux procédés et les appareils Delta et Oméga étaient mis en œuvre par les inventeurs « dans des conditions de secret rigoureux », non seulement vis-à-vis de l’extérieur, mais plus encore à l’égard des représentants d’Elf-Aquitaine, ne leur permettant pas de « connaître autre chose que ce qui nous a été dit ou que nous avons pu apercevoir, c’est-à-dire peu de choses jusqu’ici ». (Rapport de synthèse de la « Section Géologie » — Elf-Aquitaine — septembre 1977). Et, plus loin, le même rapport évoque « l’appareillage dont nous ne pouvons voir, et encore depuis peu, que les racks de commande et les écrans... »

En effet, à bord de l’avion, seuls les cadrans et les boutons de commande extérieurs étaient visibles, et les techniciens SNEA n’avaient d’autre rôle et d’autre possibilité que de suivre les images qui apparaissaient sur un écran de visualisation. A terre, le déchargement, la mise en place et le réglage des appareils étaient faits par l’équipe Fisalma : le principal d’entre eux, qui émettait et/ou captait les mystérieux rayonnements, était toujours placé sous une tente, dont il ne fallait s’approcher à aucun prix, car il y avait danger à intercepter le rayon... L’équipement de visualisation, était placé à quelque distance, dans une camionnette de location ; là aussi les géologues n’avaient le droit que de regarder l’écran. De toute façon, les missions étaient généralement brèves, surtout les campagnes de prospection terrestre (mission Oméga). Pour un site donné, on déterminait une, deux, parfois trois « stations de visées » : sur une station, chaque visée ou série de visées ne prenait guère plus d’une heure eu deux.

Résultats obtenus

Au total, sous le régime de l’accord de mai 1976, ont été faites : — 16 missions Delta — 14 missions Oméga (cf. liste jointe en annexe)

Elles se sont toutes déroulées en France, sauf un survol rapide au large de l’Espagne (Côte Cantabrique) voulu par M. de Villegas, et une mission en Suisse (Linden) pour régler un nouvel appareil Oméga à images couleur.

A l’exception des deux premières missions Delta (Lacq, juin 1976 et Mer d’Iroise, août-septembre 1976), un dossier technique fut établi par la « Section Géologie » sur chaque campagne, son déroulement, ses résultats, dossier qui comptent notamment les documents cartographiques et géologiques utilisés pour préparer la mission et ’cs photos Polaroïc. du sous-sol prises au cours de la mission, interprétées et commences.

Un premier rapport de synthèse — « Le procédé VDS. Bilan des premiers résultats, octobre 1976 — septembre 1977 » — fut établi en septembre 1977.

— La première constation de ceux qui ont suivi toutes les campagnes est que les conditions de travail et de collaboration avec les inventeurs sont difficiles et ne permettent pas d’avancer aussi vite qu’il serait souhaitable : inventeurs « très jaloux de leur secret », impossibilité d’obtenir la moindre information ni sur le procédé scientifique, ni sur les appareils, ni sur la chaîne de calcul (« qui permet, sous des conditions qui paraissent très limitatives, d’arriver à l’identification de certains couches du sous-sol — eaux souterraines, hydrocarbures et houille, sel, quelques minerais — en fonction de la profondeur »), « méfiance exacerbée des inventeurs », etc.

— La deuxième est que « technologie des appareils semble fragile ». Les appareils sont des « prototypes qui se dérèglent facilement ; ils sont sensibles à dé nombreuses influences extérieures (conditions atmosphériques, nuages, givre, altitude, présence dé ferrailles, variations de champs magnétiques, lignes électriques, etc.) Les réglages dans la période qui précède une mission semblent très délicats ; chaque fois, les inventeurs ont beaucoup de mal à retrouver une efficacité optimum (...) Enfin les appareils sont sujets à des pannes mineurs fréquentes, ou graves parfois. »

— La troisième porte sur la précision et la reproductivité des résultats obtenus par les procédés VDS. Avec l’appareil Delta, si les images obtenues d’un même site au cours de plusieurs missions distinctes sont très comparables et permettent d’identifier la forme d’un gisement donné avec certitude (la « chauve-souris » de Lacq, la « salamandre » de Montegut, etc...), « la localisation des gîtes à terre est actuellement précise à 8 ou 10 kilomètres près, et en mer, à 14 km, voire un peu plus ».

En ce qui concerne les indications de nature, de profondeur, d’épaisseur et de teneur, leur précision, mesurée par rapport aux gisements connus d’Aquitaine, varie suivant les paramètres : « très convenable » pour la nature des hydrocarbures, « un bon ordre de grandeur » pour la profondeur, à quelques centaines de mètres près, tantôt par, défaut, tantôt par excès, « tout à fait fantaisiste » pour les teneurs. Les épaisseurs, elles, « s’écartent notablement » des épaisseurs réelles.

Avec l’appareillage Oméga, les images en plan conservent une ferme aisément reconnaissable : les variations « restent mineures à l’intérieur d’une même mission » ; d’une mission à l’autre, les contours du gite et la position des satellites varient mais « dans de faibles proportions ». Dans les profils, les images sont de plus en plus détaillées, et le pouvoir séparateur de l’appareil va en s’améliorant, mais « des distorsions importantes subsistent, comme si l’image composée était, par nature, déformable ». Comme en Delta, « les profondeurs donnent un bon ordre de grandeur, tandis que les épaisseurs supportent une erreur importante.

En définitive, « la version Delta, aéroportée, permet la sélection de zones favorables à la prospection, dans l’aménagement du domaine minier, mais elle ne doit pas être utilisée directement pour l’implantation de forages, étant donné l’incertitude de localisation et d’échelle... Sa version Oméga est l’outil approprié pour localiser le gîte au sol et pour avoir une idée raisonnable de la succession des terrains et de leur configuration tectonique. Avec son aide, des implantations de forage peuvent être décidées. Les opérations Oméga étant délicates et de mise en œuvre lente, il y a là une limitation de la méthode qui ne pourra être levée qu’en multipliant appareils et équipes ».

Ceci dit, « la qualité des informations reçues par les appareils est bien évidemment d’un intérêt extraordinaire », et les auteurs du rapport de septembre 1977 s’estiment en droit de conclure que le procédé VDS est « indubitablement adapté à l’exploration des couches du sous-sol », et, plus loin : « l’invention, bien que tout à fait extraordinaire, souffre de défauts de jeunesse importants qui en limitent l’utilisation ».

Le rapporteur de la Cour, qui a consulté les dossiers techniques de 15 missions de cette période, peut attester le caractère spectaculaire des résultats obtenus : les photos Polaroid isolées ou assemblées pour reconstituer l’image d’un site, soit en plan soit en coupe, permettent de voir distinctement non seulement une succession de couches géologiques, mais tel ou tel puits, ancien ou en cours de forage, qui les traverse : le changement de diamètre des tubages, les sabots, les cimentations sont parfaitement reconnaissables même pour le profane. La comparaison avec les données réelles connues des géologues et foreurs d’Elf-Aquitaine (généralement jointes au dossier technique) fait apparaître l’exactitude, la précision de l’image photographiée.

Ainsi, lors d’une séance de démonstration faite en décembre 1976 à l’intention des plus hauts dirigeants d’Elf-Aquitaine, une visée fut faite en Oméga sur le puits

« Ainsi prit fin l’aventure qui devait donner à Elf-Aquitaine sinon la maîtrise du monde, au moins du sous-sol »

Liste des personnalités rencontrées M. ALBIN CHALANDON. Président de l’Erap (1977-1980) Président de la SNEA M. Pierre GUILLAUMAT, ancien Président de l’ERAP et de la SNEA M. Gilbert RUTMAN, Vice-President de l’ERAP et de la SNEA M. Pierre MICHAUX, Secrétaire Général de la SNEA M. Jacques BONNET DE LA TOUR, Directeur financier M. Paul ALBA, Directeur des Energies Nouvelles (DIENIC) M. Maurice JEANTET, Directeur de la Mission France M. ... Directeur P.S./i. M. ... Ad’oint au Directeur des Energie* Nouvelles M. ... ancien chef du Service de la Comptabilité M. ... gcologue M. ... géologue M, ... physicien — autres personnalités M. Jean-Yves HABERER, Directeur du Trésor M. Jean-Pierre CAPRON, Directeur des Hydrocarbures M. Jules HOROWITZ, Directeur de l’institut de Recherche Fondamentale du Commissariat à l’Energie Atomique M. Bernard PERRIN, Cr.ef de la Mission de Contrôle Me Jean VIOLET

(1) qu’il a abandonné en 1995 pour raison de santé

(2) L’Union de Banques Suisses (UBS) est le deuxième groupe bancaire suisse. Fait exceptionnel, dans les milieux bancaires zurichois, l’homme qui venait d’ac cedet en 1996 à la présidence de l’UBS était un francophone — de surcroit très francophile — et un catholique.

(3) Les dépenses concernant les frais de mission des représentants de l’ERAB furent prises en charge par la SNEA, avant d’être réimputees en fin d’exercice, à une filiale suisse du groupe, la société UNINDUS, qui devait devenir te support de l’opération pour Elf-Aquitaine. la location de l’avion — un DC 3 — et son aménagement furent payés par l’ERAP

(4) La SOCAP-NH, qui a son siège aux Nouvelles Hébrides, centralisait à l’époque toutes les opérations de négoce de pétrole brut pour le compte du groupe Elf-Aquitaine. C’est une filiale a 100% de SOCAP Limited — qui a son siège à Jersey — elle-même filiale à 100% de la SOFAX, filiale à 100% de SNEA. Le rôle de la SOCAP NH est aujourd’hui assumé par une nouvelle filiale de SOCAP LTD, constitués en 1999 aux Bermudes : SOCAP Inter national LTD.

(5) Tout en conservant des fonctions de Directeur de l’informatique au sein du groupe. Il ne pouvait donc se consacrer à plein temps à sa mission secrète, ne serait-ce que pour ne pas donner l’éveil à ses collaborateurs. Celle situation dura jusqu’à juin 1998, où M. Alha devint officiellement Président d’UNINDUS.

(6) Pendant le dernier trimestre de l’année 1976, M. M... ne fit que se joindre aux missions de détection sur le terrain. A partir de 1979, il s’etablit à Bruxelles et permanence, ne rejoignant son domicile près de Bêle que le week-end.