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Ce rapport avait disparu. Des archives de l’Elysée. Puis de celles de du Président de la Cour des comptes qui, selon sa propre expression, l’avait « lacéré», parce qu’il avait garanti à Raymond Barre le caractère confidentiel du dossier. Valéry Giscard d’Estaing l’avait sorti de son chapeau au nez des téléspectateurs, mais en montrant seulement la couverture. A la demande pressante de Mauroy, Barre, qui possédait les autres exemplaires, en avait fait transmettre un au Premier ministre qui, hier, en a rendu public le contenu à la presse. » libération » en donne à ses lecteurs le texte intégral. Les raisons sont simples : on a suffisamment parlé de cette affaire, ces dernières semaines, pour que chacun puisse enfin satisfaire son désir de juger sur pièces, au-delà des rumeurs et des supputations. Mais il y a une autre raison qui complète la première : sur cette affaire qui ressemble à un roman, l’auteur du rapport, François Gicquel, a fait un travail que beaucoup de journalistes envieront. Il a enquêté un an, eu accès à une énorme masse de documents, rencontré de nombreux témoins de l’affaire, confrontant les témoignages et rendant compte des points de vue contradictoires. Au bout du compte son rapport, à l’exception d’un chapitre financier nécessairement plus ardu — mais parfois il faut savoir sauter un paragraphe —, se lit très bien, pour peu qu’on se laisse porter par cette histoire extraordinaire. Pour que cette lecture soit plus facile encore, Libération a ajouté son propre sommaire qui met le doigt sur les points-clés comme sur les détails significatifs.

LE RAPPORT INTEGRAL DE LA COUR DES COMPTES SUR L’AFFAIRE DES AVIONS RENIFLEURS

Rapport confidentiel de la Cour des comptes sur certaines opérations de l’entreprise de recherches et d’activités pétrolières. de l’Entreprise de Recherches et d’Activités pétrolières (ERAP), etablissement public, relève de la pleine compétence de la Cour des Comptes. Pour les exercices 1977, 1978 et 1979, le rapport sur les comptes et la gestion de l’ERAP a été confié à M. François GIQUEL, conseiller référendaire. Le Président de l’ERAP en a été informé par lettre du Premier président de la Cour des Comptes en date du 24 décembre 1979.

L’analyse des comptes sociaux de l’ERAP fit très vite apparaître l’évolution apparemment aberrante de l’un des postes du compte d’exploitation générale :

— sous-compte 636 : études, recherches et documentation technique
— 1977 : 3,6 millions de francs
— 1978 : 126,4 millions de francs
— 1979 : 198,5 millions de francs

Par sa soudaineté et son importance (à titre de comparaison, le dividende versé à l’Etat pour ces mêmes années est respectivement de 21, 45 et 185 millions de francs), un tel phénomène appelait nécessairement des questions.

Au moment où il s’apprêtait à les poser aux services comptables de l’établissement, le rapporteur fut prévenu par le Président de la Chambre compétente que les « études et recherches » figurant dans les écritures de l’ERAP en 1977-1980 correspondaient à une opération exceptionnelle et hautement confidentielle, dont les grandes lignes avaient été portées à la connaissance de la Cour par les dirigeants d’Elf-Aquitaine le 22 janvier 1979.

Aussi convenait-il, tout en exerçant la totalité des pouvoirs dont dispose la Haute Juridiction, d’observer des règles particulières dans l’instruction de cette affaire afin qu’un secret absolu put être conservé tant au sein du Groupe d’Etat où quelques personnes seulement, nommément désignées, étaient informées, qu’à l’égard des ministères de tutelle. Les dispositions nécessaires a cet égard ont été prises au sein même de la Cour.

Si ces conditions — et en particulier l’impossibilité de conserver ou reproduire les pièces écrites — ont ralenti et complique le déroulement de l’enquête, le rapporteur a pu néanmoins s’entretenir aussi longuement que nécessaire avec toutes les personnes qu’il a souhaitées entendre (cf liste ci-jointe) et avoir accès, sinon a tous les documents possibles et souhaitables (car aucun dossier exhaustif n’avait été préalablement constitue), du moins a tous ceux dont il venait à apprendre ou dont il supposait l’existence. Aucun refus de communication ne lui a jamais été oppose. Pour les sociétés dont la gestion avait ete assurée par Elf-Aquitaine, les comptes sociaux et pièces justificatives lui ont été présentes.

Le présent rapport s’efforce de rassembler et d’analyser les observations qui ont pu être faites au cours de cette instruction, en examinant successivement : — les faits (lre partie) — les coûts et modalités de financement (2e partie) — les responsabilités (3e partie).