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tour de son nom. Il a fait parler de lui comme d’une puissance politique, n’est-ce pas tout ce qu’il recherche ?

Il a maintes fois répété qu’il ne voulait pas fonder un parti ; qu’il ne visait pas au pouvoir. Un parti, mais c’est un esclavage, c’est le partage, avec des collègues, de l’élaboration et de la direction d’une politique positive. Il a toujours été réfractaire à tout partage de puissance, à toute collaboration ; Le MOI qui dicte ses actions n’admet ni supérieurs, ni même d’égaux. Il est absolument inapte à fonder un parti, il ne peut supporter que des disciples, des séïdes, des janissaires tels les Héroux et autres.

Voyez, en effet, comme tous les caractères quelque peu personnels, qui l’avaient d’abord suivi, s’écartent de lui. « La Patrie » nommait l’autre jour, M. N. K. Laflamme, M. Asselin, M. Jules Fournier, M. Armand Lavergne.

Prendre le pouvoir, ce serait également être forcé de concilier des intérêts, de gouverner avec l’aide d’influences dont il aurait à tenir compte, ce serait sacrifier, par conséquent, une partie de ses idées personnelles. Il n’en veut pas ; son incommensurable vanité ne peut en supporter la pensée. Il lui faudrait une dictature et il lui reste encore assez de sens pour comprendre que c’est un rêve irréalisable.

Il va donc se trouver, maintenant que les conservateurs ont ouvert les yeux, isolé en face des deux partis. Il est de force à parodier le mot célèbre : « Moi seul et c’est assez ! » Mais comment le jugeront les gens pratiques qui forment, en somme, la majorité de la population ?

Appliquons donc à son cas les principes posés par l’organe de Mgr. Langevin, « Les Cloches de St-Boniface », à propos de l’initiative isolée de M. Molloy en faveur des écoles catholiques du Manitoba.

L’isolement voulu de M. Bourassa le met précisément dans la même position — involontaire celle-là — de M. Molloy. Et qu’en disent « Les Cloches » ?

« Nous n’hésitons pas à dire que, dans les circonstances, il (M. Bernier) était parfaitement justifiable de refuser de seconder la motion, PUISQUE LES DEUX PARTIS POLITIQUES AVAIENT UNANIMEMENT DÉCIDÉ DE LA REJETER.

« UN COUP TIRÉ INUTILEMENT ET AU HASARD PAR UN SOLDAT INDISCIPLINÉ FAIT PLUS DE MAL QUE DE BIEN ; ET LOIN D’ÊTRE UN ACTE DE COURAGE, CE N’EST SOUVENT QU’UNE INSIGNE MALADRESSE. »

Nous plaçant, donc, au point de vue des intérêts catholiques du Canada, qu’il fait profession de défendre, nous n’avons, pour juger M. Bourassa, qu’à lui appliquer le jugement de Mgr. Langevin.


M. BORDEN ET M. BOURASSA.

LA RÉCIPROCITÉ DANS L’OUEST ET LA MARINE DANS QUÉBEC.


M. Bourassa qui demande à tout propos et contre tout propos qu’on consulte les électeurs avant d’agir a eu, dans le cours du mois de juillet, l’occasion de parler dans une assemblée à Joliette.

Pour y faire sa cour à M. Borden, il a félicité celui-ci, d’avoir, au cours de sa tournée dans l’Ouest, répondu carrément aux Grain Growers, électeurs de cette région, qui demandaient à cors et à cris la Réciprocité avec les États-Unis : « Non, vous ne l’aurez pas ».


M. BORDEN DANS L’OUEST


LE CULTIVATEUR (au chef tory) : T’as beau te démancher de toutes les façons, t’arriveras pas à m’emplir.

C’est une curieuse façon de se soumettre au vœu du peuple, mais M. Bourassa n’en est pas à une inconséquence près.

Il n’est pas en retard, non plus, d’ingratitude.

M. Bourassa n’a eu que des compliments pour M. Borden et l’a loué de dire carrément aux « Grain-Growers » de l’Ouest qu’ils se trompent et que l’intérêt général du pays, à son avis, doit empêcher qu’on leur donne ce qu’ils demandent.

Pourtant, ce sont ces mêmes « Grain-Growers » dont M. Bourassa et le « Devoir » se réclament à chaque occasion, sous le faux prétexte qu’ils se sont prononcés contre la marine — ce dont nous avons d’ailleurs démontré l’inexactitude.

Si M. Bourassa était sincère, il y aurait une bien curieuse étude à faire pour un psychologue qui voudrait expliquer La genèse de ces attitudes contradictoires, du grand chef de M. Héroux, en face d’applications du même principe à des conditions politiques diverses.

Nous qui n’avons pas la naïveté de croire à la sincérité de cet homme, nous nous contenterons de faire ressortir avec quelle désinvolture il change son fusil d’épaule suivant les circonstances.

S’agit-il d’un ami ou d’un allié, qui oppose ses propres convictions à celles des électeurs, il le loue et le proclame courageux ; comme à Joliette et dans l’Ouest.

S’agit-il d’un adversaire dans les mêmes conditions : c’est un traître qu’il faut châtier, comme il le disait à la même époque, à Sorel, à l’égard de M. A. Lanctôt, qui avait eu l’audace de répondre à un de ses électeurs, lui dictant un vote à donner, qu’il voterait suivant les dictées de son intelligence et de sa conscience.

Et M. Bourassa crierait à l’infâme calomnie si on le traitait d’opportuniste !

Quoiqu’il en soit, nous avons encore à signaler dans l’attitude de Joliette que prend