Page:L'âme russe, contes choisis, trad Golschmann et Jaubert, 1896.djvu/37

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maient une violente agitation intérieure ; mais bientôt elle retomba dans son insensibilité précédente.

— Pouvez-vous, reprit Hermann, m’indiquer ces trois cartes fatidiques ?

La comtesse gardait le silence. Il continua.

— Pour qui gardez-vous votre secret ? Pour vos petits-fils ? Ils sont riches sans cela ; ils ne connaissent pas le prix de l’argent. Vos trois cartes ne sauraient aider un dépensier. Celui qui ne peut pas conserver son patrimoine mourra dans la misère, eût-il pour lui les puissances infernales. Moi je ne suis pas un dépensier : je sais le prix de l’argent. Vos trois cartes ne seront pas perdues pour moi. Eh bien !…

Il s’arrêta, il attendit, tout tremblant, une réponse. Mais la comtesse se taisait. Hermann tomba à genoux.

— Si jamais votre cœur, dit-il, a connu le sentiment de la tendresse, si vous n’en avez pas oublié les extases, si, ne fût-ce qu’une fois, vous avez a travers vos larmes souri à un fils nouveau-né, si quelque chose d’humain a jamais battu dans votre poitrine, je vous en conjure par les sentiments d’une épouse, d’une mère, par tout ce qui est sacré dans la vie, ne rejetez pas ma prière, découvrez-moi votre secret !… Ce secret, quel est-il ?… Peut-être l’avez-vous payé de quelque horrible péché, de la perte du salut éternel, d’un pacte avec le démon… Réfléchissez ! vous êtes âgée ; vous n’avez plus longtemps à vivre… Je suis prêt à prendre votre péché sur mon âme. Découvrez-moi seulement votre péché. Songez que le bonheur d’un homme est entre vos mains, que non seulement moi, mais encore mes enfants et