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puisque moi, comme vous le savez bien, j’étais d’un avis tout opposé. Et si dès maintenant vous vouliez demander la main de ma fille, je suis disposée à vous satisfaire, puisque tel a toujours été l’objet de mon plus vif désir ; dans l’attente de quoi je reste toute prête à vous servir.

« Alexandra Podtotchina. »

– Non, fit Kovaliov, après avoir relu la lettre ; elle n’est vraiment pas la coupable. Cela ne se peut pas. Une lettre pareille ne pourrait être écrite par quelqu’un qui aurait commis un crime.

L’assesseur de collège s’y connaissait, puisqu’il avait été plusieurs fois commis pour instruire des affaires criminelles, lorsqu’il était encore au Caucase.

– De quelle manière, par quel hasard, cela a-t-il pu se produire ? Le diable seul saurait s’y reconnaître ! fit-il enfin avec un geste de découragement.

Cependant le bruit de cet événement extraordinaire avait couru dans toute la capitale et, comme il est d’usage, non sans s’agrémenter de petites particularités nouvelles. À cette époque, tous les esprits étaient portés vers le miraculeux : le public se trouvait encore sous l’impression d’expériences récentes, relatives au magnétisme. L’histoire des chaises dansantes, dans la rue Koniouchennaïa, était encore toute fraîche ; il n’y avait donc rien d’étonnant à ce que bientôt on en vint à dire que le nez de l’assesseur de collège Kovaliov se promenait tous les jours, à trois heures précises, sur la Perspective