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sa niche, qu’une voix inconnue se fit entendre dans l’antichambre :

– C’est ici que demeure l’assesseur de collège Kovaliov ? demandait-on.

– Entrez. Le major Kovaliov est là, dit-il lui-même en se levant rapidement et en ouvrant la porte.

Il vit entrer un fonctionnaire de police à l’extérieur agréable, aux favoris ni trop clairs ni trop foncés, aux joues assez potelées, le même qui, au commencement de ce récit, se tenait à l’extrémité du pont d’Issaky.

– Vous avez égaré votre nez ?

– Précisément.

– Il vient d’être retrouvé.

– Que… dites-vous ? balbutia le major Kovaliov.

La joie avait subitement paralysé sa langue. Il regardait de tous ses yeux le commissaire, dont les joues et les lèvres pleines se détachaient sous la lumière tremblotante de la bougie.

– Comment ?… put-il enfin proférer.

– Par un hasard tout à fait singulier. On l’a arrêté presque en route. Il montait déjà en voiture pour se rendre à Riga… Son passeport était depuis longtemps fait au nom d’un fonctionnaire. Et ce qui est encore plus bizarre, c’est que moi-même je l’avais pris tout d’abord pour un monsieur. Heureusement que j’avais sur moi des lunettes, et j’ai reconnu aussitôt que c’était un nez. Je suis myope, vous savez, et lorsque vous vous tenez devant moi, je vois seulement que vous avez un visage, mais je ne distingue ni le nez, ni la