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– Je voudrais… dit celui-ci… il vient de se passer une escroquerie ou une supercherie, je ne suis pas encore fixé sur ce point. Je vous prie seulement d’insérer l’annonce que celui qui me ramènera ce coquin recevra une récompense honnête.

– Quel est votre nom, s’il vous plaît ?

– Mon nom, pourquoi ? Je ne peux pas le dire. J’ai beaucoup de connaissances : Mme Tchektyriev, femme de conseiller d’État ; Mme Podtotchina, femme d’officier supérieur… Si elles venaient à l’apprendre, ce qu’à Dieu ne plaise !… Vous pouvez simplement mettre : assesseur de collège, ou encore mieux, major.

– Et celui qui s’est enfui était votre serf ?

– Quel serf ! ce ne serait pas, après tout, une si grande escroquerie ! Celui qui s’est enfui, c’est… le nez…

– Hum !… quel nom bizarre ! Et la somme que vous a volée ce monsieur Le Nez est-elle considérable ?

– Le nez, mais non, vous n’y êtes pas. Le nez, mon propre nez a disparu on ne sait où. Le diable a voulu se jouer de moi.

– Comment a-t-il donc disparu ? Je ne comprends pas bien.

– Je ne peux pas vous dire comment, mais ce qui importe le plus, c’est qu’il se promène maintenant en ville, et se fait appeler conseiller d’État. C’est pourquoi je vous prie d’annoncer que celui qui s’en saisira ait à le ramener sans tarder chez moi, le plus vite possible. Pensez donc, comment vivre sans une partie du corps aussi en vue ? Il ne s’agit pas ici d’un orteil : je n’aurais qu’à fourrer mon pied dans ma botte, et personne ne s’apercevrait s’il manque… Je vais les jeudis chez