Page:L'âme russe, contes choisis, trad Golschmann et Jaubert, 1896.djvu/101

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– Où ? demanda le cocher.

– Va tout droit.

– Comment, tout droit ?… mais c’est un carrefour ici !… Faut-il prendre à droite ou à gauche ?

Cette question fit réfléchir Kovaliov. Dans sa situation, il devait avant tout s’adresser à la police, non pas que son affaire eût un rapport direct avec celle-ci, mais parce qu’elle serait capable de prendre des mesures plus rapides que les autres administrations. Quant à demander satisfaction au ministère où le nez se prétendait attaché, cela n’était rien moins que raisonnable, car les réponses de ce monsieur donnaient à conclure qu’il n’existait rien de sacré pour lui, et il aurait pu tout aussi bien avoir menti dans ce cas-là, comme il mentait en affirmant qu’il ne l’avait jamais vu, lui, Kovaliov.

Mais au moment où Kovaliov était déjà prêt à donner l’ordre au cocher de le conduire au tribunal de police, l’idée lui vint que ce coquin, ce fripon, qui, dès la première rencontre, s’était conduit vis-à-vis de lui d’une façon si peu loyale, pouvait très bien, profitant du répit, quitter clandestinement la ville ; et alors toutes les recherches seraient vaines, ou pourraient durer, ce qu’à Dieu ne plaise, un mois entier. Enfin, comme si le ciel lui-même l’avait inspiré, il résolut de se rendre directement au bureau des annonces, et de faire publier par avance un avis avec la description détaillée de tous les caractères distinctifs du nez, pour que quiconque l’eût rencontré pût le ramener immédiatement chez lui, Kovaliov, ou du moins lui faire connaître le lieu où il séjournait.