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l’honnête homme ; dans quelque ſituation que je me sois trouvé, RIEN n’a jamais troublé la tranquillité de mon âme & l’économie de mes deſſeins, qui tous aboutiſſent ordinairement à RIEN. C’est par ce que de mon naturel je m’amuse, & je me fais des plaisirs de RIEN ; c’eſt qu’en un mot je suis charmé de RIEN faire, ou de faire des RIENS. Il étoit bien juſte qu’ayant tant de ſujets de me loüer de RIEN, je fiſſe par reconnoiſſance l’Eloge de RIEN. Je déclare au reſte que je n’ai vû que deux Diſcours sur RIEN en nôtre Langue ; l’un en vers, composé il y a plus d’un ſiecle par Du Verdier fils l’Auteur d’une Bibliotheque Françoise ; & l’autre en Proſe, traduit de l’Italien d’un Noble Venitien, & qui a été inſeré dans les premieres Editions du Mélange de Litterature imprimé sous le nom de Vigneul Marville. Le Poëme du Du Verdier m’a fourni au plus une ligne, & je n’en ai gueres tiré d’avantage du Diſcours traduit de l’Italien, parce que ces deux Ouvrages n’ont pas été traitez ſelon mon idée & mon goût. Quelques Auteurs, entre autres Paſſerat, ont préconiſé le NIHIL des Latins avec eſprit ; mais il y a une ſi grande différence entre le NIHIL des Latins & le RIEN des François, à cauſe, de la négation qu’il faut