Page:L'Éloge de Rien, dédié à personne - 3ème édition - Louis Coquelet, 1730.pdf/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traite, diſpenſez-moi, Meiſſieurs, de m’étendre davantage ſur RIEN. Je craindrois malgré le mérite de mon ſujet, de vous ennuyer, en vous entretenant plus long-tems de RIEN. Si vous recevez favorablement ce RIEN que j’ai l’honneur de vous préſenter, & qui n’eſt qu’ébauché, je m’engage à vous l’offrir de nouveau dans quelque tems revu, corrigé & augmenté de pluſieurs autres RIENS, qui ne contribueront pas peu, j’en fuis sûr, à vous le rendre beaucoup plus agréable. Permettez-moi ſeulement en finiſſant, de vous faire part d’une Enigme ſur RIEN, dont je voudrois connoître l’Auteur, pour lui en faire l’honneur qui lui eſt dû.

Lecteur, je ſuis encore à naître ;
Si pourtant tu veux me connoître,
Je ſuis ſous toi, je ſuis deſſus,
Je ſuis à peine imaginable,
Dans la bourſe je ſuis un diable,
Et quand je ſuis, je ne ſuis plus.
Je ſuis le grand coffre du monde,
Ma nature fut ſi feconde,
Que tout fut engendré de moi.
Je ſuis le vaſte inacceſſible,
Je ſuis le point indiviſible,
Et le bien d’un gueux comme toi.