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lon ſon propre aveu ? RIEN : Hoc unum ſcio, quòd nihil ſcio. : Je ne ſai qu’une choſe, diſoit-il, qui eſt que je ne ſai RIEN. J’ajouterai encore quelque choſe de plus fort ; c’eſt que RIEN eſt Dieu & Diable. Il eſt le Dieu des Eſprits forts, & le Diable de ceux qui n’ont point d’argent, ſuivant cette Epigramme d’un ancien Poëte François[1] :

Un Charlatan diſoit en plein marché
Qu’il montreroit le Diable à tout le monde.
Si n’y en eut, tant fût-il empêché,
Qui ne coſtrût pour voir l’Eſprit immonde,
Lors une bourſe aſſez large & profonde
Il leur déploye, & leur dit : Gens de bien,
Ouvrez vos yeux, voyez, y a-t-il RIEN ?
Non, dit quelqu’un de plus près regardant :
Et c’eſt, dit-il, le Diable, oyez-vous bien,
Ouvrir ſa bourſe, & y voir RIEN dedans.

Pour finir enfin en peu de mots l’Eloge de RIEN, répondez-moi, Meſſieurs, je vous prie : Qu’y a-t-il au monde de plus précieux que l’or, l’argent, les perles & les pierreries ? RIEN aſsûrément, me direz vous. Qu’y a-t-il de plus eſtimable que la vertu ? RIEN ; de plus aimable que le vrai mérite ? RIEN. Qu’y a-t-il ſur la

  1. Melin de S. Gelais