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pour RIEN de fines perdrix & de bonnes fricaſsées de poulets, où l’on boiroit pour RIEN des vins meilleurs que les plus délicats vins de Bourgogne & de Champagne ; & que nous regarderions comme un homme divin celui qui nous donneroit une belle Maiſon ou une bonne Terre pour RIEN. J’ajouterai encore que la plupart des Poëtes ſont des grands diſeurs de RIEN, que ce qui fait la plupart du tems le mérite de nos Orateurs, ce ſont des RIENS brillans enchaſſez dans de grandes paroles, & étalez avec pompe ; que mille tendres RIENS font l’occupation de presque tous ceux qui aiment ; qu’on amuſe quelquefois les plus grands Hommes avec des RIENS ; que la plupart de nos converſations ſont pleines de RIENS, & que ce ſont ordinairement ces converſations pleines de petits RIENS agréable, qui réjouiſſent & divertiſſent le plus ; que la plus grande partie des hommes s’occupent de RIEN, & s’étudient à RIEN ; que tout le fruit que nous retirons de nos veilles & de toutes nos études eſt moins que RIEN, au ſentiment même de Socrate : car ce grand Philoſophe, qui lut, médita, étudia toute ſa vie, & qui fut jugé le plus ſage des mortels par l’Oracle d’Apollon, que ſçavoit il ſe-