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ceſſe quelque choſe, il n’y a perſonne au contraire que nous voïons plus volontiers que ceux qui nous flatent, nous loüent & nous amuſent ſans nous demander RIEN. Il n’y a pas de ſervices qui plaiſent plus à toute ſorte de perſonnes, même aux grands Seigneurs, que ceux qu’on leur rend ſans en exiger RIEN. Il n’y a pas de paſſion qui flate plus une belle ame que celle qu’on témoigne conſtamment, ſans paroître vouloir obliger la perſonne aimée à promettre & à accorder RIEN qu’autant qu’elle le voudra bien, & que cela lui fera plaiſir. C’eſt que preſque tous les hommes aiment naturellement à être ſervis & obéïs, & n’aiment pas beaucoup à donner RIEN ; c’eſt que perſonne ne veut ſe déſaiſir de RIEN ; c’eſt que le poſſeſſeur de RIEN joüit d’un bonheur qui n’eſt ſujet ni à l’envie, ni à la médiſance ; c’eſt que le poſſeſſeur de RIEN eſt exemt de mille craintes, & libre de beaucoup de ſoins & d’inquiétudes. Le poſſeſſeur de RIEN n’appréhende ni les taxes, ni les impôts, ni les recherches des Huiſſiers, ni les pourſuites des Procureurs, ni l’avidité des Greffiers. Il ne craint pas que le feu prenne à ſes granges, ou que la tempête ravage ſes moiſſons ou que les eaux inondent ſes prairies. Il ne court pas riſque qu’un