Page:L'Éloge de Rien, dédié à personne - 3ème édition - Louis Coquelet, 1730.pdf/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tes ſes richeſſes avec ſoi : Omnia mecum porto ? RIEN certes ; & avec ce RIEN il étoit l’homme du monde le plus tranquille & le plus content.

Heureuſe, dit un Poëte[1] que j’ai déjà cité,

Heureuſe une Bergere aimable
Qui n’a pour couvrir ſon beau corps
Qu’une étoffe à peine capable
D’en cacher aux yeux les treſors.
Pauvre de tous les biens donc la fortune ordonne,
Mais riche de tous ceux que la nature donne,
Elle a tout en poſſedant RIEN.
Nul vain deſir ne la tourmente,
Et ſans s’appercevoir qu’elle manque de bien ;
Elle vit pauvre, mais contente
Des dons de la terre & du Ciel.
Elle entretient les dons de la ſage nature,
Elle vit de lait & de miel,
Elle ſe rafraîchit, & ſe lave d’eau pure,
Et la ſource qui ſert à la déſalterer,
La conſeille aux beaux jours de Fête,
Quand d’un chapeau de fleurs voulant parer ſa tête,
Au lever du ſoleil elle va s’y mirer.
Qu’il tonne, qu’il grêle, qu’il vente,
Elle n’y prend nul intérêt ;
Tout l’accommode & RIEN ne lui déplaît ;
Elle vit pauvre, mais contente.

  1. Regier des Marais.