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qu’on ne fait RIEN à fond dans quelque ſcience que ce ſoit, qu’après bien des recherches & des ſpéculations ; puiſqu’enfin le Ciel & la terre n’accordent RIEN aux pauvres mortels qu’à force de prieres & de travail.

Nôtre bonheur dépend ſouvent d’un RIEN : Car enfin que faut-il déſirer pour être heureux ? RIEN. Il faut réputer pour RIEN les dignitez & les grandeurs.

Vains lauriers, vains honneurs, ſortez de ma mémoire,
Que mon aimable Iris ſoit mon unique gloire ;
Puiſſai-je ſans éclat, loin des fameux dangers,
Sous ces arbres fleuris, ſous ces verds orangers,
De myrtes amoureux la tête couronnée,
Paſſer comme un moment la plus longue journée,
De mon aimable Iris entendre les ſoupirs,
Auprès mon Iris borner tous mes déſirs,
Vivre avec mon Iris dans une paix profonde,
Et réputer pour RIEN tout le reſte du monde.

Auſſi eſt-ce le comble de la ſageſſe de regarder comme RIEN tout ce qu’on eſtime & qu’on recherche avec le plus d’ardeur ici bas ; comme le Philoſophe Bias, qui jetta dans la mer tout ſon or & tout ſon argent, pour pouvoir contempler avec moins de diſtraction les choſes céleſtes. Et que croyez vous qu’eût ce grand Homme, quand il diſoit à ſes amis qu’il portoit tou-