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qu’on tire, qu’on traîne, les maiſons qui tombent & qu’on releve, les palais qu’on bâtit, le bruit des armes, les cris & les clameurs de la populace, & mille autres choſes qui ſautent aux yeux, ſont les effets & les jeux de RIEN. Le pouvoir de RIEN eſt extraordinaire : un RIEN nous fait pleurer, un RIEN nous fait rire, un RIEN nous afflige, un RIEN nous conſole, un RIEN nous embaraſſe, un RIEN nous fait plaiſir, il ne faut qu’un RIEN pour remonter un pauvre homme, il ne faut qu’un RIEN pour le renverſer. Un RIEN broüille un ami avec ſon ami, un amant avec ſa maitreſſe, une femme avec ſon mari, & l’homme ſouvent avec lui-même. Un RIEN fait bien eſpérer d’un malade, & un RIEN rend innocent celui qu’on croyoit le plus coupable. Dominer ſur une petite portion de nome terre, eſt moins que RIEN par rapport au vaſte eſpace de l’univers ; de combien de déſirs cependant cette domination n’eſt-elle pas l’objet ? La crainte du Cocuage eſt moins que RIEN, quelle diſcorde néanmoins cette frivole crainte n’excite-t-elle point dans la plupart des familles ? Les plus grands honneurs de la terre n’ont qu’un éclat de RIEN, les richeſſes & les plaiſirs ne ſont pas plus ſolides que RIEN ; la vie même