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des entrepriſes, & les plus grands projets ont ſouvent abouti à RIEN. D’illuſtres Aſſemblées ont ſouvent été convoquées pour RIEN, & ſe ſont terminées à RIEN. Combien de fois a-t’on vû de grands Hommes privez de leurs Emplois pour RIEN, & remplacez par d’autres qui avoient moins de mérite que RIEN ? Combien de conteſtations tous les jours & de querelles ſur RIEN ? L’Homme de ville, l’Homme d’Etat, l’Homme de guerre, les Philoſophes même font ſouvent grand bruit pour RIEN. Les Courtiſans ne ſe donnent-ils pas ſans ceſſe bien du mouvement pour RIEN ? Les ambitieux ne ſe tourmentent-ils pas, & ne tourmentent-ils pas éternellement les autres pour RIEN ? Les envieux apperçoivent des RIENS dans leurs voiſins, & ne voyent pas une poutre qui leur creve les yeux. Et quel vacarme la plupart du tems un avare ne fait-il pas dans ſon domeſtique pour un RIEN ? Toute cette agitation du monde, dit un Auteur Noble Venitien, tout ce flux & reflux des peuples dans les villes, toute cette foule d’hommes, de femmes, d’enfans, de laquais qui courent comme des foux par les ruës ; tous ces gens qui ſe pouſſent, qui ſe battent, qui s’injurient, qui ſe ſalüent, qui s’embraſſent ; les caroſſes qui roulent, les fardeaux qu’on porte,