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milieu entre être Ceſar ou RIEN. Ou Ceſar ou RIEN, diſoit-il, aut Ceſar aut Nihil ; c’étoit ſa deviſe ! c’eſt que les grands Hommes veulent toujours avoir tout ou RIEN. Toutes les choſes de ce monde s’en vont, & ſe réduiſent à RIEN. Par tout ici bas on ſe repaît & on s’entête de RIEN. C’eſt pour RIEN qu’on diſpute, qu’on plaide, qu’on ſe fait la guerre, qu’on ſe tuë. Les hommes ne remportent de leurs inquiétudes & de leurs travaux ſur la terre que la honte d’avoir été les dupes de RIEN. Il eſt le commencement, le progrès & la concluſion de toutes nos vanitez. Il eſt toujours conſtant, toujours uniforme, toujours lui-même ; il remplit l’eſprit & le cœur ſans les remplir, & les occupe ſans les occuper ; ſa ſtérilité eſt féconde, & ſa fécondité ſtérile. RIEN eſt un grand Magicien qui ſe fait voir aux aveugles & entendre aux ſourds : car que voyent les aveugles & qu’entendent les ſourds ? RIEN. Que diſent les muets & que ſentent ceux qui n’ont point d’odorat ? RIEN. Un RIEN a ſouvent donné lieu aux plus gran-

    une rencontre prés de Vianne, en combattant pour le Roy de Navarre. Sur quoi Sannazar fit ce diſtique, en faiſant alluſion à ſa deviſe :

    Omnia vincebat, ſperabas omnia Ceſar ;
    Omnia deficiunt, incipis eſſe Nihil.