Page:L'Écuyer - La fille du brigand, 1914.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.
DU BRIGAND
77

sans s’occuper du tout des imprécations ni de l’impatience de Maurice, semblable à ces grands orateurs et à ces grands écrivains qui parlent et écrivent beaucoup sans rien dire, et qui ne font pas semblant d’entendre les sifflets et les huées de ceux qu’ils ennuient ; tout d’un coup ma femme me pousse : Johnné, qu’elle me dit, entends-tu du bruit dans la rue ? — Queu bruit ? que j’lui dis, et j’saute de mon lit, et j’sors dans la rue malgré les supplications de ma femme, car, soit dit entre nous, monsieur, j’suis brave, et j’ai toujours passé pour ça, sans m’vanter. J’me rappelle que quand j’étais dans la milice…

— Faites-moi grâce de vos exploits, je suis pressé ; auriez-vous envie de me faire manquer mes affaires ?, dit Maurice avec un ton de douceur après avoir employé inutilement tout autre moyen.

— Excusez, c’est que vous sentez bien… vous comprenez bien… vous entendez bien que, lorsqu’un homme vient à se rappeler ses belles actions, vous devez comprendre… qu’il n’est pas aisé…

— De vous endurer sans s’damner, dit Maurice.

— Oui, dit notre homme avec son imperturbable sang-froid ; ainsi me voilà dans la rue.

— Dieu soit loué ! Voilà un bon saut d’fait, dit Maurice en se frappant les mains.

— Dieu soit loué ! pas trop, monsieur, pas trop. Figurez-vous un peu que j’me trouve au milieu de la patrouille et de trois voleurs qui venaient de défoncer chez M. Pierre… à ce qu’on m’a dit.

— Et Mme La Troupe ?

— Attendez donc. V’là qu’j’entends : « Il faut prendre Mme La Troupe aussi. » Vous pouvez penser un peu ! Mme La Troupe était bien connue et bien estimée dans le voisinage ; j’rassemble tous mes voisins et j’allons trouver le maître de la patrouille ; et moi, comme le chef de la bande, j’lui dis à sa barbe qu’il ne prendra pas Mme La Troupe, et puis j’lui demande : « Queu qu’vous disez