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LA FILLE

portait une vieille redingote d’ancienne mode, beaucoup trop longue et trop large pour lui, et par-dessous, un petit gilet de mérinos bleu ; un chapeau de paille, recouvert d’une toile cirée jaune dont les larges bords lui descendaient jusque sur les épaules ; des pantalons de bouragan gris, une chemise de laine rouge fermée avec des boutons jaunes, et de longues bottes sauvages toutes couvertes de boue.

— Allons, mes amis, dit Maurice en s’approchant de la table et avec autant de familiarité que s’il se fût adressé à des gens de son espèce, je vous ai promis un p’tit coup, que prenez-vous ? Vite, dépêchez-vous, je suis pressé.

— Merci, nous ne prenons rien à présent, dit Stéphane, qui ne voulait pas faire honneur à une offre aussi obligeante.

— C’est comme vous voudrez, dit Maurice ; pas d’gêne, sans cérémonie ; t’nez, faut qu’ça aille rondement, sans étiquette, vrai comme v’là une chandelle… Holà ! mère La Troupe, un verre de gin pour moi seulement, puisque ces messieurs ne veulent rien prendre ; du gin chaud, ça me r’mettra un peu.

— Vous paraissez fatigué, mon ami, dit Émile.

— Fatigué comme le diable quand il a fait sa ronde ; voyez-vous, quand on travaille comme moi en bon ch’val toute la journée, on n’est pas ben aise d’aller plaquotter la vase, le soir, pour aller chercher des remèdes.

— On n’en a que plus de mérite, dit Stéphane.

— Oui-dà ! beau mérite ! j’m’en passerais tout aussi ben, j’vous assure. Allons, à votre santé, dit Maurice en avalant son verre avec une facilité et une habilité qui prouvaient assez qu’il en avait l’habitude. Voilà du bon gin, sur mon âme ; ajouta-t-il en pressant l’une contre l’autre ses grosses lèvres violettes ; vous aurez ma pratique, la bonne femme : et puis, une fameuse, allez !

Mme La Troupe sourit dédaigneusement, com-