Page:L'Écuyer - La fille du brigand, 1914.djvu/56

Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
LA FILLE

tiens, quand il la conte, il peut faire vingt pleureurs sacré gros Jignac, va ! ah !… ah !… ah !…

Lampsac et Mouflard poussèrent un tel éclat de rire que Bouleau s’éveilla en sursaut en criant avec colère : Qu’y a-t-il donc ? Quel vacarme menez-vous, bande de bêtas qu’vous êtes ? S’il y a à dormir, je veux ben que l’enfer m’étrangle ! Mais chut, entendez-vous du bruit, vous autres ?

Bouleau appliqua son doigt sur son oreille et Lampsac se jeta par terre et colla la sienne sur le seuil de la caverne.

— Tu, rêves, Bouleau : tu dors encore, fainéant.

— Allez au diable, j’vous dis que j’entends des pas, moi ; mais je parierais ben tout Québec, s’il m’appartenait, que ce n’est pas l’allure du père Munro ; il va plus pesamment qu’ça, lui, l’vieux. C’est un espion, mille gueux, c’est un espion. Sortons, Lampsac, sortons.

— Ah bien ! oui, ça s’rait assez drôle d’aller bouler la vase pour te faire plaisir, dit Mouflard en riant. J’te dis qu’tu dors, Bouleau. Entendez-vous, Lampsac ?

— Pas plus que sur la main.

— Ni moi non plus.

— Eh bien ! j’vous dis que j’ai entendu moi ; tenez, écoutez.

Malheureusement pour Bouleau, pas le moindre bruit ne se fit entendre.

— Eh bien ! où est-il donc ton espion ? dit malicieusement Mouflard.

Bouleau lui lança un regard de rage et d’indignation ; il venait d’éprouver pour son honneur un fâcheux échec : il passait parmi ses compagnons pour avoir l’oreille d’une délicatesse infaillible, et c’était la première fois qu’il était en défaut ; aussi n’était-il pas encore parfaitement convaincu qu’il s’était trompé ; il déguisa donc sa colère en espérant que le temps viendrait corroborer ses soupçons : cette fois, malgré son peu de courage, il souhaita l’arrivée du “watchman” pour rétablir son honneur.

D’après ce que nous venons de dire, on s’imagi-