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DU BRIGAND
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— Je suppose.

— J’aimerais mieux les brûler, dit Helmina en pleurant.

— Pourquoi donc ?

— Parce que si mon père…

— On l’ramènera à la raison, l’bonhomme, faut qu’il change.

— Jamais, Madelon !

— Jamais… ah ben, nous verrons, dit Madelon avec impatience ; j’vais lui parler au « dret » du visage, moi ; ça serait ben curieux par exemple, s’il n’entendait pas l’bon sens des choses. Allons, mes p’tites filles, plus d’chagrin, on va souper. Mais voyez donc un peu comme Maurice est longtemps ; l’infâme est damnant, sur mon âme… Approchez, approchez, il mangera après les autres… pourvu qu’il vienne, encore, ça s’ra beau… Et Madelon commença à manger avec un appétit dévorant.

— Tiens, un éclair, dit Julienne en se signant.

— Ah ! oui, j’avons de l’orage, dit Madelon en l’imitant ; c’est sûr que mon « man » va coucher en chemin. Mais mange donc, Helmina, faut qu’tu manges pour rester belle ; si ton « faraud » allait te trouver maigre, ça n’s’rait pas drôle ; oui, mange donc…

— Il fera moins de dépenses, dit Helmina en s’efforçant de prendre le ton de la plaisanterie.

— C’t’idée, dit Madelon en riant à gorge déployée. Allons, Julienne, puisqu’on ne mange plus, ôtons la table. On va s’coucher de bonne heure ce soir ; quand il tonne comme ça, moi, j’aime mieux être dans le lit ; on dit qu’il y a moins de danger.

Une demi-heure après, Madelon priait au pied de son lit. Helmina et Julienne s’étaient retirées dans leur chambre et parlaient de la journée qui venait de s’écouler.

Il était dix heures lorsqu’elles se mirent au lit ; Julienne ne tarda pas à sommeiller. Helmina dormit aussi ; mais ce fut un sommeil convulsif, un rêve horrible. Toute entière à son amour, à ses réflexions pénibles, elle s’était endormie en pronon-