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LA FILLE

— Ce sont bien là ses cheveux, dit l’amante en rougissant ; et cette lettre, lisez-la, ma bonne amie ; il doit venir me voir. Ô ciel ! s’il allait se rencontrer avec mon père…

Julienne lut attentivement la lettre, puis la remettant à la jeune fille, elle vit ses yeux humides et deux grosses larmes glisser comme des perles sur la pourpre de ses joues.

— Pourquoi pleurer, ma chère ? cette lettre ne doit-elle pas au contraire vous rendre l’espérance et la joie ?

— Non Julienne ; il est vrai que je connais et son nom et son amour ; pour toute autre que moi cette réciprocité qu’il m’avoue serait le bonheur ; mais pour moi, à quoi me servira-t-il, sinon à me rendre encore plus malheureuse que je ne le suis à présent ?

— Pourquoi ces idées sombres ? Attendez donc que vous n’ayez plus d’espérance ; alors il sera bien assez temps de pleurer.

— Je suis certaine que mon père se refusera à tout.

— Qui vous l’a dit ?

— Sa conduite récente envers moi, ses conseils contre le mariage, son mépris avoué envers les jeunes gens.

— Allez-vous montrer cette lettre à Madelon ?

— Qu’en dites-vous ?

— Je ne vois pas pourquoi nous la lui cacherions plus que le reste.

— Vous avez raison, Julienne, elle la verra. Tenez, je crois entendre sa voix, la voilà qui revient des champs.

En effet le son d’une voix grêle et cassée se fit entendre chantant une chanson de paysan, et peu après Madelon entra avec le lait de ses vaches.

— J’avons de la pluie, mes enfants, voilà les poules qui « gourgoussent » ; j’avons du mauvais temps.

— Toujours du mauvais temps, dit-elle en entrant.