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bien. Allons frapper à la porte de cette forteresse, nous y trouverons peut-être quelque châtelaine hospitalière.

Et les deux voyageurs, descendant de voiture, prirent à pied le sentier qui conduisait au château.

Leur chaise les suivait au pas, et, comme il l’avait dit, le postillon maintenait la roue veuve de son écrou protecteur.

Pendant que les deux voyageurs cheminent, le lecteur nous permettra de lui apprendre qu’arrivé à Strasbourg, M. de Larcy y avait rencontré un brave Allemand retournant en Allemagne par la voie démocratique de la diligence. Le vicomte, qui avait connu cet homme à Vienne, lui avait offert une place dans sa chaise de poste.

Au bout d’un quart d’heure de marche, les deux voyageurs arrivèrent à la porte du château. Le postillon sonna : un homme d’une trentaine d’années environ vint les recevoir avec la plus grande politesse, et leur déclara qu’ils étaient les bienvenus.

La voiture fut placée sous un hangar, le postillon partit en sifflant une tyrolienne du Ranelach, et la porte du château se referma.

L’homme qui avait reçu les deux voyageurs les pria de vouloir bien le suivre ; il leur fit traverser deux grandes cours, et les introduisit dans une salle basse, éclairée par deux bougies placées sur une vaste cheminée.

— On va vous servir à souper tout à l’heure. Messieurs, dit l’inconnu ; après quoi l’on vous indiquera vos chambres. Rien ne vous empêchera de repartir demain de très bonne heure. A cinq heures du matin le charron sera au château.

Les deux voyageurs se confondirent en remerciements, et l’homme sortit.

M. de Larcy, resté seul avec son compagnon, se mit à examiner la salle où ils se trouvaient. — C’était une pièce simple, mais assez belle, qui n’avait pour tout ornement que quatre portraits de fanille, de grandeur naturelle, attachés aux panneaux des murs ; deux bahuts symétriquement placés en face l’un de l’autre, une table, et huit chaises, complétaient l’ameublement de cette salle, qui, faiblement éclairée par les deux bougies, n’offrait pas un aspect très réjouissant à l’œil.

— Savez-vous, dit M. de Larcy à son compagnon, nous avons peut-être commis une imprudence en venant ici ?

— Pourquoi cela ? demanda l’Allemand ?

— Nous ignorons chez qui nous sommes. Si les gens de ce château avaient de mauvais desseins ?

— Diable ! fit l’Allemand, moi qui ai cent mille francs de valeurs dans mon portefeuille ! Mais, bah ! ajouta-t-il, le postillon ne sait-il pas que nous sommes ici ? Il enverra demain le charron : s’il nous était arrivé quelque chose, l’éveil serait donné aussitôt. Chassez vos idées noires, Monsieur le vicomte, l’Allemagne est la terre de l’hospitalité. L’hospitalité est la première vertu des fils de la vieille Teutonia !

— J’ai probablement tort, continua le vicomte. D’ailleurs l’homme qui nous a reçus et qui semble le propriétaire de ce château, a un air de courtoisie fort avenant.

— Nous allons souper, dit l’Allemand ; je vous avoue que je n’en suis pas fâché : j’ai un appétit.

— Vous n’avez, pas d’armes sur vous ? interrompit M. de Larcy.

— Des armes ! Pourquoi faire ?

— Je ne sais pas. Je vous demande cela pour le cas où nous ne serions pas en sûreté.

— Ah ça, Monsieur le vicomte, dit l’Allemand, vous êtes donc toujours poursuivi par votre idée. S’il en est ainsi, partons sur-le-champ ; gagnons à pied la première auberge que nous rencontrerons ; nous enverrons demain chercher votre voiture.

— Je n’ai pas le sens commun, répondit M. de Larcy, un peu rassuré par les paroles de son compagnon.

— Sans doute, reprit celui-ci. Que voulez-vous de mieux ? Nous nous présentons, on nous reçoit fort bien. On nous offre la table et le lit, et vous concevez des soupçons. Ah ! Je le vois, dit l’Allemand avec un gros rire germanique, la châtelaine vous manque.

En ce moment un domestique entra et dressa une table de deux couverts.

Avant d’aller plus loin, il est nécessaire de donner quelques explications sur ce château où nos deux voyageurs venaient d’être accueillis avec une hospitalité véritablement patriarcale.

On n’a pas publié qu’à deux reprises différentes, au souper du café de Foy d’abord et à la réunion des Sept Péchés dans son hôtel, Formose