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synonyme de barbare[1] ! Pas de poésie : c’est Boileau qui le redit encore aujourd’hui aux rhétoriciens qui ont le bonheur de faire leurs études littéraires sous ses auspices. La poésie a dû attendre, pour naître, que Villon débrouillât l’art confus de nos vieux romanciers, et le théâtre était chez nos dévots aïeux un plaisir ignoré… Enfin Malherbe vint ! Et ce n’est pas seulement Malherbe, c’est Érasme, c’est Luther, ce sont les humanistes et les réformateurs qui doivent venir pour faire rentrer nos ancêtres dans les voies traditionnelles de la civilisation.

Tel est le moyen âge de la légende. Sans doute, beaucoup de bons esprits ont rompu

  1. « A. Connaissez-vous l’architecture de nos vieilles églises qu’on nomme gothique ?

    B. Oui, je la connais, on la trouve partout.

    A. N’avez-vous point remarqué ces roses, ces points, ces petits ornements coupés et sans dessin suivi, enfin, tous ces colifichets dont elle est pleine ? Voilà en architecture ce que les antithèses et les autres jeux de mots sont dans l’éloquence. L’architecture grecque est bien plus simple : elle n’admet que des ornements majestueux et naturels ; on n’y voit rien que de grand, de proportionné, de mis en place. Cette architecture qu’on appelle gothique nous est venue des Arabes. Ces sortes d’esprits étant fort vifs et n’ayant ni règles ni culture, ne pouvaient manquer de se jeter dans de fausses subtilités ; de là leur vint ce mauvais goût en toutes choses. Ils ont été sophistes en raisonnement, amateurs de colifichets en architecture, et inventeurs de pointes en poésie et en éloquence. Tout cela est du même génie. » Fénelon, Dialogues sur l’éloquence (Œuvres de Fénelon, Didot, 1861, t. II, p. 678).