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Pour enseigner le français en Alsace, que fallait-il ? des morceaux classiques difficilement compris par l’écolier ou par l’homme du peuple ? des pages correctes et froides, écrites dans un style abstrait ? des chapitres où l’économie domestique mêle ses enseignements à des préceptes de morale ? Tout cela pouvait être utile. Mais pour propager la connaissance d’une langue dans toute une population, rien ne vaut que ce qui parle directement à l’esprit du peuple, c’est-à-dire à son imagination, ou ce qui va droit au cœur. Oui, pour répandre les éléments d’une langue, pour fixer les souvenirs qu’elle rappelle, rien ne vaudra un simple verset, un quatrain, un de ces jeux d’esprit, naïfs comme le sourire d’un enfant, un couplet qui se dit et se chantonne à la sourdine, qui de lui-même va se placer sur les lèvres et s’attacher à la mémoire, qui n’est parfois qu’un soupir de l’homme en peine de sa destinée, un regret ou une espérance. Rien ne remplace pour ce but pratique la poésie dont le peuple lui-même est l’auteur, qui se grave dans toutes les mémoires, se répète au coin du feu, est redite par l’aïeule, chantée par la jeunesse, et qui s’imprime dans l’esprit de l’enfant pour le suivre partout dans la vie.

Mais alors la poésie populaire ne comptait