Page:Kufferath - Tristan et Iseult, 1894.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
– 13 –

Mommsen, le grand historien, Moleschott, le philosophe, Herwegh et Gottfried Keller, deux poètes qui font figure dans la littérature contemporaine, les physiologiques Ludwig et Koechly, le peintre Kietz, l’architecte Semper, Ettmuller, le savant philologue commentateur des Eddas ; choyé enfin par des amis aisés ou riche, tels que M. et Mme Wille, M. et Mme Wesendonck, dont la sympathie dévouée lui vint plus d’une fois en aide, Wagner trouva, en somme, à Zurich, les conditions les plus favorables au développement de sa puissante individualité. Son esprit put mûrir lentement à travers les années, « sans le trouve des banales et hâtives réalisations[1] ». Il eût pu vivre, le plus paisiblement du monde sans les soucis d’argent, sans les accrocs à sa santé, et surtout sans ce fatal démon du mécontentement qui lui faisait prendre au tragique les incidents les plus naturels de la vie et le jetait, à tout propos, dans des désespoirs lamentables.

En abandonnant les Nibelungen pour Tristan, – que de larmes cet abandon lui coûta[2] ! – Wagner reconnait lui-même qu’il continuait cependant à se mouvoir dans un même ordre de sentiments. Le poème de Tristan est, en somme, une émanation du

  1. H.-S. Chamberlain, Notes sur Tristan, dans la Revue wagnérienne, troisième année (1887-1888), page 227. Voir aussi, sur le séjour de Wagner à Zurich, les Souvenirs de Wagner, publiés par Mme Wille, dans la Deutsche Rundschau, année 1887, livraisons 5 et 6, et Wagner en exil, par Albert Heintz, dans l’Allgemeine Musikzeitung de Berlin, tome xii, 21-29.
  2. Voir à ce sujet les lettres à Liszt et à Uhlig, citées dans ma brochure relative à Siegfried. Paris, Fischbacher, 1891.