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l’effort de sa pensée vers l’étude approfondie du « problème dramatique ». Ses longues méditations sur les incompatibilités esthétiques du théâtre contemporain et particulièrement de l’opéra, sa pénétrante analyse des développements successifs de la musique et des autres arts dont les efforts s’unissent dans l’œuvre dramatique, son incessante réflexion sur les moyens de ramener le théâtre lyrique à une expression idéale de la vie humaine lui avaient donné la pleine conscience de soi, l’entière domination de la technique, des formes d’art nécessaires à la réalisation des idées et des sentiments qu’engendre l’énergie créatrice de l’artiste. Après trois longues années[1] passées à réfléchir, à chercher, perdu dans les considérations théoriques et les pures abstractions, il avait, depuis peu, repris, comme il le dit lui-même, « la carrière de production plus ou moins spontanée », certain désormais du but à atteindre et des moyens pour y parvenir. « Tous mes doutes s’étaient enfin dissipés, lorsque je me mis à Tristan », écrit-il dans la Lettre sur la Musique qui précède ses quatre poèmes d’opéras traduits en prose française[2].

C’est à la fin de l’année 1854 qu’il commença de s’occuper de ce sujet. Il en fait mention, pour la première fois, dans une lettre à Franz Liszt, sans

  1. De 1849 à 1853. C’est de cette période que datent les grands écrits théoriques de Richard Wagner, l’Œuvre d’art de l’avenir, l’Art et la révolution, Opéra et Drame, dans lesquels il expose les principes dont ses ouvrages dramatiques sont l’expression.
  2. Quatre poèmes d’opéras, traduits en prose française, précédés d’une Lettre sur la Musique, par Richard Wagner. Paris, Librairie Nouvelle, 1861.