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tes. Il ne comprend pas que l’art ne doit pas être jugé bon ou mauvais selon le sujet et la matière qu’il traite. Le sujet est la chose accessoire ; la manière dont il est traité, voilà ce qui fait l’œuvre d’art. Des œuvres s’occupant de la vie des riches peuvent être aussi profondes, aussi générales, aussi universelles que celles émanant de la vie des pauvres, cela tombe sous le sens ; tout dépend de l’auteur et de ses facultés.

À ce propos, Tolstoï parle de « l’appauvrissement de la matière de l’art ». Le mot est heureux. Oui, notre art actuel souffre d’anémie, et ce n’est pas seulement, comme le pense Tolstoï, « parce qu’il s’est abaissé à ne plus exprimer que les trois sentiments de la vanité, du désir sexuel et du dégoût de la vie », c’est parce que, d’une façon générale, il n’est point désintéressé, qu’il est plus volontaire qu’instinctif, qu’il n’est point sincère, qu’il n’émane point d’une vision pénétrante, d’une impérieuse nécessité de se manifester, qu’il est un calcul, une spéculation, un produit industriel combiné en vue de l’effet et du placement immédiat,