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poètes, les penseurs, les artistes, hardis annonciateurs des transformations possibles, éternels visionnaires de l’avenir. Les fondateurs de religions ne sont que des législateurs, des codificateurs qui condensent, après coup, en un corps de doctrines précises, la masse diffuse des aspirations depuis longtemps exprimées.

Kant a fait remarquer que les religions positives tendent à absorber la morale dans le culte. C’est ce qui rend les religions inaptes à toute œuvre d’avancement. Elles sont nécessairement conservatrices. L’Art, au contraire, est essentiellement progressif, car il nous révèle incessamment des aspects nouveaux de la vie ; il crée ainsi les éléments des croyances plus belles et des aspirations plus élevées. C’est lui qui mène véritablement l’humanité dans sa marche ascensionnelle vers les perfections imaginables.

L’erreur de Tolstoï, quand il fait dépendre la valeur de l’œuvre d’art de sa conformité à la « science du Bien et du Mal », résulte de ce qu’il se crée une religion particulière, en dehors de tout corps