Page:Kufferath - Musiciens et philosophes, Tolstoï - Schopenhauer - Nietzsche - Wagner.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
– 305 –

est indispensable, dit-il : l’ivresse ; il faut d’abord que l’ivresse ait haussé l’irritabilité de toute la machine ; autrement, l’art est impossible. »

Par ivresse, Nietzsche entend toute espèce de surexcitation, la passion, l’ivresse de la fête, de la lutte, de la bravoure, de la victoire, l’ivresse du printemps, les grands désirs. « L’essentiel, c’est le sentiment de la force accrue et de la plénitude. Sous l’empire de ce sentiment on s’abandonne aux choses, on les force à prendre quelque chose de nous-même, on les violente, et ce processus on l’appelle idéaliser. Débarassons-nous ici d’un préjugé : idéaliser ne consiste pas, comme on le croit généralement, en une déduction, en une soustraction de ce qui est petit et accessoire. Ce qu’il y a de décisif, au contraire, c’est une formidable expulsion des traits principaux, en sorte que les autres traits disparaissent. »

Ici Nietzsche parle véritablement en artiste et ce qu’il dit de l’acte créateur sera reconnu exact par tous ceux qui créent : « Dans cet état, on enrichit tout de sa propre plénitude : ce que l’on voit, ce que