Page:Kufferath - Musiciens et philosophes, Tolstoï - Schopenhauer - Nietzsche - Wagner.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
– 271 –

d’avenir qui arrive sans cesse ; sur sa musique repose ce demi-jour d’une perte continuelle et d’un espoir éternellement vagabond, – le même demi-jour dont était baignée l’Europe lorsqu’elle avait rêvé avec Rousseau, lorsqu’elle avait dansé autour de l’arbre de la liberté, lorsqu’elle s’était enfin presque mise à genoux aux pieds de Napoléon. Mais combien maintenant ce sentiment pâlit vite ! Comme il est difficile, de nos jours, de comprendre même ce sentiment ! – Elle sonne étrangement à nos oreilles, la langue des Rousseau, des Schiller, des Shelley, des Byron, qui furent ensemble les porte-paroles de cette destinée de l’Europe que Beethoven sut chanter ! »

Il y a certes beaucoup de vrai dans cette analyse du génie de Beethoven, mais la conclusion paraît forcée. Les faits même la démentent : Mozart est bien plus loin de nous que le maître de Bonn ; il n’y a aucune apparence qu’il reprenne jamais le complet et absolu empire qu’il exerça au début de ce siècle. Beethoven, au contraire, ne cesse de monter. Jamais on ne l’a autant et mieux joué qu’à présent et il est,