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Je ne connais point, par exemple, d’analyse plus saisissante de l’ouverture des Maîtres Chanteurs, que celle donnée par Nietzsche dans Par delà le Bien et le Mal. « J’ai entendu de nouveau pour la première fois l’ouverture des Maîtres Chanteurs de Richard Wagner : c’est là un art superbe, surchargé, lourd et tardif, qui a la fierté de supposer vivants encore, pour être compris, deux siècles de musique ! Comme les sèves, les forces, les saisons, les climats y sont mêlés ! Cette musique nous semble tantôt vieillotte, tantôt étrange, acerbe et trop jeune, tout aussi arbitraire que pompeusement traditionnelle, quelquefois câline, plus souvent rude et grossière. Elle a du feu et du courage et, en même temps, la peau flasque et pâle des fruits qui murissent tard. Elle coule, large et pleine ; puis, c’est soudain un moment d’hésitation inexplicable, en quelque sorte une trouée qui se produit entre la cause et l’effet, une oppression qui nous fait rêver, presque un cauchemar ; – mais déjà s’étend et s’élargit encore l’ancien flot de bien-être, de bien-être multiple, de bonheur ancien et nou-